EAUX MINÉRALES & THERMALES de BERTHEMONT - ROQUEBILLIERE 
dans la vallée de la Vésubie (Alpes-Maritimes) 
par le docteur POLLET. NICE
Année 1865

A Messieurs les Membres de la Société Médicale de Nice. 

   Messieurs, Ce travail est, dans sa première partie, l'historique très abrégé des eaux minérales de Berthemont. La deuxième partie est la topographie de cette admirable contrée; j'ai copié un feuillet de la nature. Enfin, la dernière partie, qui est l'exposé très succinct des analyses faites jusqu'ici par divers savants et le récit fidèle de mes propres appréciations, traite des propriétés chimiques, physiques et médicales de ces eaux. L'unique but de ce rapport, Messieurs, est d'appeler toute votre attention sur des sources qui doivent, très certainement, rendre les plus grands services à notre département et enrichir notre ville de Nice par leurs propriétés médicales et leur proximité. 

   PREMIÈRE PARTIE.

   Historique

  Si nous jetons un coup d'œil sur les diverses histoires écrites sur Nice et les Alpes-Maritimes (1), nous voyons que, dès l'an 261 de l'ère chrétienne, les eaux minérales et thermales de Berthemont (Roquebillière) avaient leur réputation médicale, comme Nice avait déjà la sienne pour la bonté et la douceur de son climat. L'impératrice CORNELIE SALONINE fut envoyée à Nice à cette époque, sur les conseils de ses médecins, pour réparer sa santé épuisée. Cette impératrice ayant trouvé sa guérison sous l'influence du beau ciel de Nice et des eaux minérales de Berthemont, voulut donner une preuve éclatante de sa reconnaissance aux habitants de ces pays, et, suivant les inspirations de son âme généreuse, elle les prit sous sa protection, ( PAULUS ORASIUS, in annal. GALLIEN, ZONARAS, TREBELLIUS POLLIO, de antiq. hist. natur. ) leur fit accorder la liberté de conscience et de culte, arrêta les persécutions du féroce Claudius, alors préfet de Nice, qui leur imposait l'adoration de Jupiter, d'Apollon, de Diane et de Junon dont les temples en ruines existent encore à Cimiés et à Bendejeun (Bona Junonis), commune de Châteauneuf; elle mit enfin un terme à l'œuvre du bourreau dont la hache venait de faire tomber la tête de l'évêque martyr Pontius. (BARONIUS, Annal. Christ. GIOFFREDO, Nie. civit., monument. illust.,lib. II, pag. 75) Les populations, en souvenir des bienfaits de l'impératrice Cornélie Salonine, lui firent élever sur la porte principale de Cimiés un monument public dont Gioffredo, Sulzer et Papon découvrirent l'authenticité par cette inscription : 

CORNELLE SALONINÆ 
SANCTISSIM. AVG. COVIG. 
GALLIENI JUNIORIS AVG. N. ORDO. 
COMOSSEL. CURANT. 
AVRELIO, JANUARIO. 
V. E. 

   On ne peut donc mettre en doute que du temps des Romains, comme aujourd'hui, la beauté du ciel, la douceur du climat de Nice et les eaux minérales et thermales de Berthemont jouissaient d'une grande célébrité. 
   En 1564, les thermes de Berthemont furent détruits de fond en comble par de très fortes secousses de tremblement de terre, accompagnées d'un bruit souterrain qui ressemblait à des décharges réitérées de grosses pièces d'artillerie; les villages de St-martin, de Berthemont - Roquebillière, de Belvédère, de la Bollène, de Lantosque, etc., etc, furent presque détruits; la plus grande partie des habitants périrent, et les bestiaux furent ensevelis sous des monceaux de ruines; le cours de la Vésubie fut obstrué, arrêté pendant quelque temps; une montagne en calcaire-alpin se fendit et l'on vit sortir des flammes et des gerbes de feu, sans aucune éruption volcanique. Cette montagne qui fait face au nouvel établissement de Berthemont, fournit les ruisseaux de les Crotos et de Figuiera, qui viennent se jeter dans celui de Lancioures. 
   En 1663 de nouvelles constructions furent faites sur les masures romaines, grâce à la libéralité de madame Royale, femme d'Emmanuel Philibert. Ce sont ces constructions dont on aperçoit encore aujourd'hui les ruines, qui furent emportées par les avalanches de neige, vers la fin du dernier siècle. Les siècles et les cataclysmes ont pu effacer en partie la trace des constructions romaines, mais non la célébrité de cette riche province. Notre époque, qui voit renaître les peuples civilisés, nous amène encore dans cette contrée prédestinée les plus illustres malades de l'Europe. Tout le monde sait que non seulement l'impératrice douairière ( Feodorowna ) de Russie, le roi de Wurtemberg ont passé à Nice les dernières années de leur vie, mais que ce pays a continué d'être la résidence préférée des empereurs, des rois, des princes, des grands ducs, etc. Aujourd'hui n'est-il pas le rendez-vous des empereurs de France, de Russie et du roi des Belges? l'impératrice MARIE, épouse d'Alexandre II, empereur de Russie, n'est-elle pas venue parmi nous d'après les conseils judicieux de ses médecins, comme l'impératrice Cornélie Salonine y était venue en 261, sur l'avis des docteurs romains, et quinze siècles plus tard la princesse Pauline, sœur de Napoléon 1er? Les chroniques de Gioffredo, Fodéré, Risso, Bertini, Richelmi, Durante, Roubaudi, nous montrent que cette réputation s'est toujours maintenue à travers les âges. Durante raconte que pendant son séjour, en 261, l'impératrice Salonine visita plusieurs fois les eaux thermales de Berthemont à Roquebillière, " très renommées à Rome et dans toute l'Italie, " et il ajoute: " II existait alors au vallon de Lancioures, à peu de distance du dit village, dans un endroit maintenant inhabité, des bains en pierre de taille, avec des édifices attenant, dont on retrouve encore quelques restes et qui portent tous les indices de la construction romaine. Les eaux chaudes de ces sources se conservèrent longtemps en grande réputation pour la guérison des maladies d'atonie, de respiration, de stagnation d'humeurs, et de stérilité. Qu'on ne pense pas que ces sources salutaires se soient perdues!.. elles existent avec les mêmes propriétés qui les faisaient rechercher du temps des Romains. "II ne faudrait qu'un peu plus d'industrie et d'amour du bien public pour les rendre de nouveau à l'usage des malades étrangers ou du pays, qui ne manqueraient pas de les fréquenter pendant les chaleurs de l'été. " Les souhaits de l'historien vont être réalisés. L'heureuse annexion des Alpes-Maritimes à la France, si désireuse de doter cette belle contrée de toutes les richesses de l'industrie moderne, est venue, en activant la construction des routes projetées, seconder l'entreprise du nouveau propriétaire des sources de Berthemont, M. Bergondi, qui vient de relever cette précieuse station thermale. Citons maintenant l'autorité de Fodéré (FODERE, 1821, Voyage aux Alpes-Maritimes.): " II existait autrefois, au vallon de Lancioures, à peu de distance du village de Berthemont, dans un endroit maintenant inhabité, des bains en pierres de taille avec des édifices attenants, dont on retrouve encore quelques restes, et qui portent tous les indices de la construction romaine. Les eaux chaudes de ces sources se conservèrent longtemps en grande réputation pour la guérison des maladies d'atonie et de stagnation d'humeurs." Risso(1826), dans son Histoire des Alpes-Maritimes mentionnait quatre sources. " Dans la vallée de la Vésubie ".
Les Crotos, terroir de Roquebillère, sourdent à travers les fissures de gneiss qui composent, ces montagnes, des sources minérales sulfureuses assez abondantes. Elles sont employées dans les affections chroniques des divers organes. " Plus tard, Roubaudi (Nice et ses environs 1843), dans son ouvrage sur Nice et ses environs, indique quatre sources principales d'eau minérale à Berthemont, peu éloignées les unes des autres. " La plus élevée, vers le nord, appelée Saint-Micliel, jaillit du flanc méridional des Bresses, à cinquante pas environ du vallon de Lancioures. Une autre, celle de St-Jean-Baptiste, située au pied de la même montagne, au-dessous du sentier qui mène à Lancioures, coule, au milieu de broussailles, dans un trou qui sert, au besoin, de baignoire. La troisième, la plus abondante de toutes, celle de St-Julien, occupe presque le lit du torrent les Cro tos, elle est voisine d'une masure, dernier débris d'un établissement. Enfin la quatrième source, appelée St-Jean, que le peuple prétend être la plus abondante, coule dans le lit du torrent de l'Espaliart entre celle de Saint-Julien et de St-Jean-Baptiste. " Les eaux de ces sources sont parfaitement claires et limpides, légèrement onctueuses au toucher; leur saveur est à peine sensible; leur odeur fort désagréable et analogue à celle des œufs couvés. Si on les laisse quelque temps au contact de l'air, elles perdent presque toute leur odeur et un peu de leur limpidité. Elle déposent un léger précipité , blanchâtre, composé en grande partie de soufre hydraté, qu'on peut aisément recueillir aux lieux où elles ruissellent. Examinées dans un grand réservoir, elles présentent, à leur surface, un aspect oléagineux qui disparaît si la quantité d'eau est peu considérable. " Terminons, pour ne pas prolonger cet historique, par quelques citations de l'Histoire des Alpes-Maritimes de Gioffredo, ( GIOFFREDO ,1632, Mémoires imprimes en 1839.) - " Nos Alpes ne manquent pas de ce bénéfice signalé de la nature. Il se trouve dans diverses localités plusieurs sources de ces eaux salutaires, parmi lesquelles celles de Vinadio, de Valdieri, de Berthemont - Roquebillière et de Digne, tiennent le premier rang. De notre temps trois fontaines ont été découvertes à Berthemont, le principe minéral de l'une de ces sources est le fer, l'autre est le vitriol, et le principe de la troisième est l'or avec la prépondérance du bitume, ainsi que nous l'a affirmé dans une lettre le proto-médecin Jules Torrini, après s'être rendu sur les lieux et les avoir attentivement examinés. " On y voit les murs d'anciennes habitations qu'on y avait construites pour la commodité des malades, ce qui prouve qu'autrefois ces bains ont été connus et fréquentés, bien qu'ils aient été ensuite en grande partie détruits par les neiges et les avalanches, qui avaient en même temps couvert les sources qui maintenant commencent de nouveau à être fréquentées.  " On y accourt de divers endroits, avec succès, pour indispositions, paralysie, lèpre, asthme, dartres, hypocondrie, stérilité et autres semblables maladies. " " Pendant que j'écris ces choses, ajoute Gioffredo, nous sommes informés par un rapport très remarquable du médecin François Raiberti, qui vient de m'être adressé par Pierre Laurenti, curé de Belvédère, que ces trois fontaines se trouvent à un peu plus d'un mille de Roquebillière (à Berthemont), dans une vallée tempérée, cultivée, arrosée par d'autres sources d'eau commune, aux pieds de montagnes très élevées. " 
   En 1653, le proto-médecin Emmanuel Reinaldo, ayant fait l'analyse de toutes ces eaux, les trouva très utiles pour les cas ci-dessus désignés, et l'expérience a démontré qu'elles sont salutaires pour ces différentes maladies. " 

   DEUXIÈME PARTIE. 

   Topographie

   Berthemont est un village agréablement situé, à huit lieues de Nice, à une heure des frontières d'Italie; son élévation, au-dessus du niveau de la mer, est d'environ mille mètres. Trois diligences font le service tous les jours de Nice à Roquebillière en six heures; des mulets font celui de Roquebillière à Berthemont en une heure. Le parcours de Nice à Berthemont côtoie une longue chaîne de montagnes échelonnées qui se déroulent successivement aux regards du voyageur, en lui offrant un magnifique panorama des merveilles de la nature. Au milieu de ces montagnes, sur la commune de Duranus, si l'on s'arrête un instant à l'endroit dit le saut des Français, près d'une croix en bois, l'œil ne peut, sans effroi, mesurer la profondeur des sites sauvages que l'on domine. L'étendue de l'abîme n'est réellement mesurable que par le bruit sourd et engouffré du torrent. A la chute du jour, au moment où le crépuscule envahit l'atmosphère et où les étoiles sortent une à une des ténèbres comme autant de réalités éternelles cachées dans les profondeurs de l'infini, cette gorge ne parait plus que comme un gouffre noir s'enfonçant dans le flanc des montagnes. Le spectacle est encore plus saisissant dans la saison où le vent achève la chute des feuilles et par un beau clair de lune. Les voyageurs attardés ne peuvent s'empêcher alors de penser aux innombrables histoires et légendes des anciens barbets de la contrée. L'aspect sauvage de ce lieu, où se sont commis tant de crimes, "parait hérissé de pièges affreux. Dans la nuit tout épouvante et prend, avec l'ombre, des formes suspectes; les anfractuosités que l'on distingue parmi les rochers paraissent des fosses entrouvertes, autour desquelles semblent rôder des silhouettes farouches pour surveiller les cadavres, victimes de la superstition et du crime. Les scènes de rage implacable et l'éternelle désolation laissée aux familles des malheureuses victimes, se représentent plus vives que jamais à l'esprit. Rien n'est plus majestueux le jour que cet endroit, rien n'est plus effrayant le soir, rien n'est plus sinistre la nuit. La route, en quittant Nice, longe le Paillon; et, après une demi heure de parcours, laisse, sur la gauche, l'abbaye de St-Pons qui fut fondée en 775; à peu de distance on voit poindre les ruines d'une antique chapelle qui couvrent un roc coupé à pic; la tradition, dit Roubaudi, raconte que c'est là que fut décapité St-Pons. On arrive ensuite à une gorge que borne au fond le château de St-André pittoresquement bâti sur un rocher, tout couvert, au midi, de cactiers - raquettes, d'agaves d'Amérique, et ombragé, au nord, par des tulipiers gigantesques. Derrière ce château, à un quart de lieue de distance, on aperçoit une grotte en pierre de tuff, dont la voûte sert de pont à la route qui vient de traverser le village de St-André; a cet endroit elle offre aux regards des sites agréables et des échappées de plus en plus pittoresques, à chaque détour que fait la route entre les montagnes agrestes, elle rappelle celles de la Suisse et de la Savoie. On traverse les villages de Tourrettes, Levens, pays natal du général Masséna, le Gros d'Utelle situé au bord de la Vésubie et entouré de magnifiques oliviers, Duranus, autrefois l'antre des barbets, un petit tunnel de quarante à cinquante mètres de longueur taillé dans le roc; on descend ensuite la montagne, et, après avoir passé le village de la Rivière, et laissé à gauche le couvent des Cordeliers avant d'entrer à Lantosque, ou continue jusqu'à Roquebillière, en laissant sur sa droite la Bollène et Belvédère sur le versant d'une montagne couverte de riantes cultures. Très prochainement, les travaux en cours d'exécution pour atteindre St- Martin-Lantosque seront achevés. Depuis le village de la Rivière jusqu'à St - Martin-Lantosque la route longe la vallée de la Vésubie. Cette belle vallée est inondée de lumière dès le point du jour. Le ciel y rayonne dans sa majestueuse sérénité. Le climat y est fort doux. La nature y semble sourire en voyant la nouvelle voie de communication lui apporter la richesse et le bonheur. 
   Un établissement qui a pu recevoir, cette année, quarante personnes, est construit près des sources, au haut du vallon Spagliart, où viennent aboutir ceux de Férisson, de Lancioures, de les Crolos et les eaux des sources minérales qui vont se perdre, après un parcours d'une demi heure, dans la Vésubie. Cette position est très-hygiénique; son élévation permet le renouvellement de l'air de la façon la plus heureuse. Elle domine le riche plateau de Berthemont, d'où l'on voit la Vésubie sortant des régions les plus élevées des Alpes-Maritimes, couler obliquement du nord au midi, en fertilisant sur son passage les contrées pittoresques de St-Martin-Lantosque, de Roquebillière, Lantosque, la Rivière, avant de s'engouffrer avec fracas dans les ravins excavés de Duranus, pour se jeter dans le Var près de Ciaudan. Entre Duranus et le Gros, hameau d'Utelle, au milieu d'énormes rochers taillés à pic est situé un point que la tradition désigne comme celui d'une prise d'eau dans la Vésubie pour être conduite, au moyen d'un aqueduc souterrain pratiqué à travers les montagnes, au-dessous d'une voûte en pierres de taille, qu'on croit être de construction romaine, pour alimenter la fontaine du Temple près de Nice. Ce qui semblerait devoir donner consistance à cette opinion, d'après Roubaudi, c'est que l'endroit que la tradition assigne à la prise d'eau, porte également le nom de Temple. L'établissement est entouré de grands et antiques châtaigniers, aux troncs crevassés, aux racines formidables, de beaux ombrages, de magnifiques promenades qui conservent toujours une délicieuse fraîcheur et qui sont singulièrement embellies par les cascades et les cours d'eaux vives et murmurantes. Des montagnes gigantesques, dont quelques pointes sourcilleuses et ardues s'élèvent dans les nues à plus de trois mille mètres au-dessus du niveau de la mer, encadrent ce site admirable qui charme les yeux et engage aux douces rêveries. La plus grande partie de ces montagnes vont être rendues accessibles par des chemins praticables. Leurs flancs escarpés sont couverts de splendides prairies verdoyantes, de bois de pins, de sapins et de mélèzes, le tout entremêlé çà et là de longues roches grises qui se dressent comme des géants ou pendent, comme des stalactites, sur les torrents qu'elles surplombent. Les belles campagnes et les villages de Belvédère et de la Bollène sont admirablement disposés en amphithéâtre sur la gauche de l'établissement; en face sont les forêts d'Utelle, de Clans, de Roquebillière et de Lantosque; sur la droite, celles de Venanson, de Valdeblore, de St-Martin; divers lacs, aussi merveilleux par leur position que par leurs légendes, entre autres ceux des cols de Fenestres et d'Entrecolpés qui donnent naissance à la Vésubie, couronnent enfin ce vaste et imposant tableau. Ces montagnes inexplorées offrent aux naturalistes une carrière inépuisable d'excursions attrayantes et instructives. Les touristes, si avides de splendides spectacles, y trouveront, de leur côté, des charmes et des distractions inattendues. Dans ces montagnes l'atmosphère, souvent chargée d'électricité, allume la fibre et verse le lyrisme à la pensée. Dans les mois de juin, juillet et août, lorsque le sol parait altéré, les pluies viennent souvent étancher sa soif; mais les routes ruisselantes le matin, sont sèches avant le soir. Rien n'est beau alors comme une verdure nettoyée par la pluie et lustrée par le soleil. " C'est, a dit un de nos célèbres académiciens, de la fraîcheur chaude. " Les jardins et les prairies, ayant de l'eau dans leurs racines et du soleil dans leurs fleurs, deviennent des cassolettes d'encens et fument de tous leurs parfums à la fois. De temps en temps, un éclair muet passe à l'horizon comme un frisson de feu sur le front de la nature. Tout chante, rit et s'offre. On se sent doucement ivre. La, l'été est comme l'hiver à Nice, un paradis provisoire; le soleil aide à faire patienter l'homme qui aspire à lui. Cette partie des Alpes-Maritimes est la plus riche en souvenirs des révolutions du globe; elle atteste que dans les siècles qui nous ont précédés, ces contrées, aujourd'hui si belles, si calmes, si fertiles, si riches furent bouleversées par d'affreux cataclysmes. Il est évident qu'une station thermale dans d'aussi bonnes conditions aura une influence sur les intérêts du département et sur la question si souvent posée et non encore résolue de la création d'une saison d'été à Nice, question que nous avons soulevée, en 1856 dans l'Avenir de Nice, développée en 1857, 1858 et 1859 (Séjour d'été de Nice, 1857. Des bains de mer, 1858. Des effets curatifs de l'eau de mer, 1859) dans diverses brochures, et soutenue jusqu'à ce jour. Ainsi, les personnes qui viendront jouir des salutaires effets des bains de mer, effets que la Grande-Duchesse Hélène de Russie est venue chercher pendant deux étés à Nice, trouveront dans ce délicieux séjour de Berthemont, pour varier leurs plaisirs, cette fraîcheur et ces parfums qu'elles vont chercher par un long voyage et à grands frais, dans les Pyrénées, en Suisse et en Allemagne. Elles trouveront aussi, comme dans les stations de ces différents pays, des eaux minérales et thermales rivalisant avec les meilleures par leurs propriétés médicales, et c'est là ce que nous allons essayer de démontrer dans la troisième partie de ce travail. Roubaudi, en parlant de la possibilité d'un établissement de bains dans ce site agreste tout près des fertiles campagnes de Berthemont aux magnifiques forets de châtaignes, dit : " l'efficacité reconnue de ces eaux contre les affections cutanées, contre plusieurs maladies dépendantes d'obstruction au bas-ventre, etc., la pureté de l'air qu'on y respire, la température modérée qui y règne en été, la proximité de Nice, d'où, par un chemin accessible aux voilures, la distance serait moindre de huit à dix lieues, attireraient dans cet établissement beaucoup d'habitants de Nice, et une grande partie des étrangers qui vont y passer l'hiver. On pourrait même, dans quelques cas, faire succéder les bains de mer à ceux d'eaux thermales. " Noire collègue, le docteur Constantin-James, dans son Guide pratique des eaux minérales, écrivait: " Si j'osais dire toute ma pensée, j'affirmerais que nos Alpes-Maritimes remportent, à certains égards, sur les Alpes - Helvétiques. " Le savant docteur n'eût pas hésité à affirmer la chose si, à cette époque, les Alpes-Maritimes avaient appartenues à la France. 

   TROISIÈME PARTIE 

   ART. 1. Sources et Bains. 

   II existe à Berthemont neuf sources principales d'eaux minérales et une d'eau commune. Les quatre premières étant chaudes, on les divise en sources thermales et en sources froides. Voici leurs noms et leur température: 
 4° Source St-Jean-Baptiste ' 33 centig 
 2° Source St-Jean . . . . 29 centig 
 3° Source St-Julien . . . 29 centig 
 4° Supérieure nouvelle,v. de les Crotos 29 centig 
 5° Inférieure id. id. 20 centig 
 6° St-Michel . . . . . 12 centig 
 7° Bergondi,ferrugineuse v. Espaliart 19 centig 
 8° Source les Crotos, ferrugineuse . 19 centig 
 9° Berthemont (Scallon ). . . 19 centig 
10° Eau potable, vallon Espaliart . 10 centig
 

   ART. 2. Quantité.  

   L'on pensait, ayant la récente découverte des trois dernières sources sulfureuses de Berthemont, que ces eaux thermales n'étaient peut- être pas suffisantes pour alimenter un établissement de bains. Ce doute a cessé lorsque joints aux 38 litres 1/2 d'eau par minute, indiqués dans l'origine par Gioffredo, et aux 10 litres 1/2 de la source St-Jean, mentionnée pour la première fois par Risso, les 51 litres provenant des dernières sources mises à jour sont venus élever à 100 litres par minute la quantité totale qui est ainsi répartie: 
Source St-Jean-Baptiste, vallon de Lancioures (1) . . . 51 litres 
Source St-Jean, vallon de Lancioure 101/2 " 
Source St-Julien, vallon de les Crotos 28 " 
Source Supérieure, id. id. 3 " 
Source Inférieure, id. id 3 " 
Source St-Michel . . . 41/2 " 100 litres. 

   En déduisant la source de St-Michel froide, ne devant être utilisée qu'en boisson, 4 litres 1/2 sur . . . . . . 100 Reste à employer pour bains 95 litres 1/2. ( Après les fouilles du 10 janvier 1865). 
95 litres par minute donnent en 24 heures 136,800 litres, ou en chiffre rond, 136 mètres cubes d'eau sulfureuse. Chaque mètre cube peut fournir en moyenne quatre bains. Ainsi, 136 mètres cubes d'eau fourniraient 376 bains par jour; chiffre qui pourrait permettre à plus de mille baigneurs à la fois de fréquenter l'établissement thermal, vu qu'en moyenne les malades ne prennent un bain que tous les deux jours. Si l'on ajoute à ce nombre les malades qui ne prennent pas de bains, ceux dont la cure se limite a l'eau prise en boisson, on peut affirmer sans exagération, que les sources sulfureuses de Berthemont pourraient alimenter un établissement fréquenté par mille cinq cents personnes à la fois. Il suffit de visiter la localité où l'on voit de nombreux filets et suintements d'eaux sulfureuses qui se font jour aux environs des sources, pour être convaincu à l'avance du succès des travaux de captage en cours d'exécution, travaux qui ne peuvent manquer d'augmenter encore la quantité d'eau déjà connue, ainsi que celle de son calorique. Les sources d'eaux ordinaires étant très nombreuses et abondantes, rien ne serait plus facile que de joindre au traitement minéral le traitement hydrothérapeutique simple. Au moment de mettre sous presse nous recevons le rapport suivant que nous nous empressons de joindre à notre travail et qui vient confirmer nos prévisions: " L'an 1805 et le dix janvier, " Nous, Jean-Baptiste-Henri Bernard, juge de paix du canton de Sl-Marlin-Lantosque, arrondissement de Nice, département, des Alpes-Maritimes; "Sur l'invitation qui nous a été faite par M. Charles Bergondi, propriétaire des eaux thermales et de l'établissement de Berthemont, commune de Roquebillière ; " Nous nous sommes rendu , accompagné de M. le Maire de Roquebillière, au quartier de Lanciours, de ladite commune, à l'effet de constater la provenance et l'identité des eaux sulfureuses dont ledit sieur Bergondi Charles est propriétaire; " Arrivés sur la localité, nous nous sommes transportés au point d'où jaillissent, lesdites eaux et avons vu une source d'une très belle quantité et d'un jet remarquable s'échapper d'une roche vive exhalant une odeur sulfureuse très prononcée et laissant sur son passage un limon filamenteux, couleur blanche légèrement jaunâtre, - cette source portant le nom de St-Jean-Baptiste et se faisant surtout remarquer an milieu de plusieurs autres de môme nature et qui ensemble fournissent un volume très-considérable (70 litres par minute), indépendamment de la source St.Jean-Baptiste qui, à elle seule, suffirait à un établissement thermal de premier ordre. " Nous nous sommes bornés, du consentement du propriétaire, et en présence de M. le Maire de Roquebillière qui a assisté à nos opérations, à faire rincer six bouteilles de manière à ce qu'elles ne continssent aucun corps étranger, à les remplir au griffon de la source St-Jean-Baptiste, à les boucher hermétiquement, à recouvrir les bouchons d'une épaisse couche de cire noire et à appliquer sur celle-ci l'empreinte du cachet de notre justice de paix afin qu'aucune fraude ne pût avoir lieu. " Pour plus de sûreté, nous avons appliqué sur chaque bouteille une étiquette avec cette eau de Berthemont, source St-Jean-Baptiste, et nous y avons appliqué le sceau de la Mairie de Roquebillière avec notre paraphe et celui de M. le Maire. "Nous devons ajouter que cette source possède naturellement et sans artifice un degré de chaleur de vingt-six Réamur, ainsi que nous l'avons constaté nous-même, qu'elle est située dans un site d'été des plus agréables et que par les effets médicaux remarquables qu'elle est appelée à rendre à l'humanité souffrante, elle mérite la haute et puissante protection de l'administration supérieure et vigilante du Gouvernement Impérial, qui rie cesse de répandre à profusion ses bienfaits sur ce peuple chéri qui est l'objet de sa plus vive sollicitude et qui lui devra ses plus remarquables améliorations; "Dont acte délivré au sieur Charles Dergondi par nous juge susnommé: - Bernard, juge, - Mathieu, maire. " 

   ART. 3. Propriétés physiques. 

   Les six premières sources sont sulfureuses; elles ont pour principe minéral fixe le sulfure de sodium qui leur donne une grande analogie avec les eaux sulfureuses des Pyrénées, avec celles de l'intérieur de la France, de l'Italie, de l'Allemagne et de la Suisse. Les sources sulfureuses sont limpides, très bitumineuses et oléagineuses; leur odeur est celle des œufs couvés; leur saveur est fade, nauséabonde et douceâtre. Les septième, huitième et neuvième sont ferrugineuses, limpides et inodores avec sensation de slypticilé et d'astriction très peu prononcée. La dixième est potable; elle vient des hautes montagnes; elle est très-fraîche, limpide, légère, de facile digestion et fort agréable à boire. 

   ART. 4. Analyse chimique. 

   Voici celle de M. Roubaudi. Sources thermales. Eau, deux litres. Fluides aériformes, gaz, acide hydrosulfurique, gaz acide carbonique, gaz azote, quantité indéterminée. Matières fixes. Hydrosulfate de soude . 6,00 Hydrochlorate de soude . 0,05 Sulfate de chaux . 0,04 Sulfate de soude . . 0,10 Silice 0,05 Matières végétales animales, quantité indéterminée. 
D'après M. Pazzini, professeur de chimie à Turin, l'eau minérale froide de la source St-Michel contient:
Eau, un litre. 
Principes salins en petite quantité. 
Principes aériformes. Hydrogène sulfuré . . 0 018 Centimètres cubes en volume 12 240 
Sources St-Jean-Baptiste (thermales). 
Eau, un litre. 
Hydrogène sulfuré . . 0 21 Centimètres cubes en volume 13 939 
Source St-julien 
Eau, un litre. 
Acide sulfhydrique . . 0 16 Centimètres cubes en volume, 10 491
 

   Par une lettre en date du 1er mars 1864, le docteur Otto résume ainsi les analyses laites à Turin par MM. les docteurs et professeurs Cantù, Ragazzini et Pazzini : "Les eaux minérales qui jaillissent en abondance à Berthemont sont, les unes sulfureuses, les autres ferrugineuses. " Parmi les sulfureuses il y en a de chaudes et de froides. Un travail d'analyse fait dans les laboratoires de Turin, par M. Pazzini, pour quelques sources, et par M. Ragazzini, pour quelques autres, bien qu'il ait eu lieu après que l'eau avait séjourné longtemps dans des bouteilles imparfaitement bouchées, a cependant fait connaître, dans les sulfureuses, de l'acide sulfhydrique et quelques sulfures, oidures et chlorures. " Dans les ferrugineuses, la présence de l'oxide de fer et d'autres composés indéterminés de fer, des chlorures et des traces de chaux. " Il est hors de doute qu'au moyen d'une investigation aussi imparfaite, il n'était possible que de découvrir les éléments les plus saillants et que des recherches , faites dans de bonnes conditions , ou mieux encore, sur les lieux, ne manqueraient pas de faire connaître l'existence d'autres éléments salins à base de soude, de magnésie, etc., etc. M. le professeur Cantù , dont la méthode est si consciencieuse et si délicate, a amené M. Ragazzini à la découverte de l'iode dans les eaux sulfureuses en question. " Après son examen, il est d'avis que le brôme doit y exister avec l'iode et le chlore. " Source potable. D'après les analyses de Fodéré et Risso, elle contient beaucoup d'air atmosphérique et un peu d'oxygène. Bertini, ayant analysé cette eau, s'exprime ainsi: " Eau très fraîche, agréable au palais, très légère, elle contient beaucoup d'air atmosphérique et riche en gaz oxygène, et après l'évaporation ne laisse aucun sédiment. " 

   ART. 5. Propriétés médicales. 

   Quoique les analyses faites jusqu'à ce jour se complètent à peu près l'une par l'autre, il reste encore à désirer que le nouveau propriétaire les lasse continuer pour préciser les principes minéraux déjà aperçus et ceux qui sont probablement encore inaperçus. Cela dit, nous allons indiquer les principales propriétés médicales de ces eaux. Leur analogie avec la plupart des eaux sulfureuses facilitera beaucoup notre travail , ainsi que les observations et les rapports faits par les praticiens distingués de Taris, de Londres, de Turin , de Nice et des localités environnant Berthemont, sur lesquels est basé ce rapport. Les restes des masures que l'on voit sur le bord des sources et les anciens vestiges d'établissements thermaux démontrent qu'on avait constaté, dès la plus haute antiquité, les heureux effets de ces eaux sur un grand nombre de maladies. Ces effets sont encore confirmés par le grand nombre de malades, venant de tous les pays, malgré l'absence de chemins et d'habitations, s'installer, chaque année, dans les environs des sources, pour y chercher leur guérison. Si ces eaux possèdent quelques propriétés que n'expliquent pas les principes révélés par les analyses faites jusqu'à ce jour, on ne peut pas pour cela en nier les propriétés dès que des faits bien établis les démontrent. Ne voyons-nous pas des rivières et des sources d'eaux potables et ordinaires, comme celles d'Arcueil, de la Seine, etc., etc., donner à l'analyse les mêmes principes que d'autres eaux très actives comme, par exemple, celles de Plombières, Gastein, etc., etc. ? Ici, certainement, les principes inconnus et les combinaisons inappréciables, comme le dit notre collègue Constantin James, agissent seuls. Les anciens se servaient aussi des eaux minérales ; ils n'avaient pas, pour se guider, les analyses chimiques. Le corps de l'homme était le seul réactif dont ils pouvaient disposer. L'électricité joue aussi un grand rôle dons les eaux minérales. On connaît les belles expériences de M. Scoutetten qui, au moyen d'un galvanomètre très sensible, a prouvé, à l'Académie de médecine de Paris que, pendant que l'eau pure des ruisseaux et des fleuves ne faisait éprouver à l'aiguille aucune déviation, les eaux minérales lui imprimaient, au contraire, des écarts plus ou moins considérables, quand le corps humain ou une partie du corps, la main, par exemple, était mise en contact avec le liquide expérimenté. Cet été, nous avons pu constater sur nous-même et sur un assez grand nombre de personnes malades, soit dans l'établissement, soit dans les habitations voisines, l'efficacité médicale de ces eaux, et ce sont ces observations qui, jointes a celles que nous avions déjà faites depuis plusieurs années, et à celles de nos collègues, nous permettent de donner aujourd'hui une succincte énumération de leurs propriétés. Les eaux thermales de Berthemont offrent peu de différence avec les froides par leur saveur et leur odeur. Elles stimulent les membranes muqueuses gastro-intestinales; et, suivant qu'elles sont plus ou moins bien digérées, ou qu'elles sont prises avec plus ou moins de discernement, elles déterminent l'augmentation de l'appétit ou l'inappétence, la constipation ou la diarrhée. Lorsqu'elles produisent les phénomènes saburaux avec ou sans sentiment d'ardeur intérieure, avec de l'insomnie et de l'agitation, il faut en diminuer la quantité, ou même les suspendre momentanément. Quelquefois elles agissent sur l'encéphale et déterminent une ivresse passagère; souvent elles finissent par amener une sueur abondante, des exanthèmes ou un écoulement abondant d' urine. A l'intérieur et à l'extérieur, les eaux des sources sulfureuses peuvent être recommandées dans les maladies de la peau, contre la disposition aux érysipèles, furoncles et surtout dans les affections herpétiques anciennes, sans phlegmasie locale. Certaines affections chroniques des organes de la poitrine peuvent être avantageusement combattues par ces eaux. Dans cette catégorie sont le catarrhe du larynx et des bronches, simple ou compliqué de tubercules; le catarrhe pulmonaire, la pneumonie, la pleurésie, l'asthme et la phthisie, surtout lorsque le malade est d'un tempérament lymphatique et que ces différentes affections résultent de la rétrocession des principes rhumatismaux , goutteux ou psoriques. Biett recommande des eaux analogues aux tempéraments lymphatiques. Richelmi , en faisant l'historique des eaux minérales de l'Italie disait: On trouve à Berthemont, paroisse de Roquebillière, la source St-Jean-Baptiste, de nature hépato-sulfureuse, reconnue utile dans quelques cas de phthisie pulmonaire et celle de St- Julien, bitumineuse, qui réussit également dans quelques variétés de celle maladie. Le docteur Salles-Girons, en parlant des eaux sulfureuses froides de Pierre-fonds ( que l'analyse place à coté de celles de Berthemont), à démontré, par de nombreuses observations, qu'elles jouissent d'une efficacité très réelle dans le traitement des maladie de l'appareil respiratoire. Nous avons aussi, devers nous, des observations qui confirment ces résultats; elles feront, avec celles que plusieurs de nos confrères nous ont déjà communiquées ou nous communiqueront, le sujet d'un nouveau travail. Convaincu, comme beaucoup de praticiens, de la possibilité de la guérison de la phthisie, question que nous avons déjà traitée dans diverses brochures ( Recherches sur la nature et le traitement de la phthisie 1856 Nice Effets curatifs de l' eau de mer, 1858 Inhalation de l' eau de mer, 1860), nous croyons devoir insister sur la possibilité de cette cure par les eaux sulfureuses de Berthemont.   Darralde affirme la véracité de celle cure ; il s'exprime ainsi: " II faut toutefois en excepter la phthisie aiguë, qui est, en général, la phthisie accidentelle non circonscrite. " Cependant, il ajoute: " Dans ce cas, il faut, avant tout, combattre cet état aigu par les traitements appropriés. Une fois qu'on s'en est rendu maître, on peut avec sécurité recourir aux eaux minérales, a la condition, toutefois, qu'on apporte la plus grande réserve dans leur usage, de crainte de réveiller l'état aigu ou phlegmatique dont le retour pourrait tout compromettre. S'agit-il, tout au contraire, de ces phthisies à marche lente, passive, atonique qui reconnaissent comme point de départ une diathèse particulière aux tempéraments strumeux , diathèse le plus souvent con- géniale ou héréditaire; s'agit-il encore de cette phthisie fortuitement développée chez des individus que leur constitution en aurait certainement garantis, si elle n'eût été débilitée par dos maladies longues , un mauvais régime, un climat insalubre, des excès de toute nature; en un mot, par l'une ou l'autre de ces causes qui appauvrissent le sang et énervent l'économie, les eaux minérales, dans ce cas, loin d'être nuisibles, doivent être regardées comme le remède par excellence. C'est un point établi, qu'il n'existe point de limite à leur puissance curative. Ainsi, que la phthisie soit au premier degré, au second ou au troisième, vous ne devez pas désespérer des eaux, du moment que l'ensemble de l'organisme se trouve encore dans d'assez bonnes conditions de conservation. " Le docteur Allard recommande, dans la phthisie, les eaux de St-Honoré (Nièvre) qui sont on peut dire identiques avec celles des sources St-Jean-Baptiste et St-Julien. Nous pourrions citer encore un grand nombre de sources minérales analogues re-commandées avec succès dans la phlthisie, si le cadre de ce travail le permettait. Le projet de créer dans l'établissement de Berthe-mont une salle d'inhalation où les malades pour- raient respirer non seulement les principes gazeux contenus dans ces eaux, mais encore l'eau elle-même pulvérisée avec ces principes fixes, nous engage à parler, dès aujourd'hui, de ce mode de traitement qui y a été déjà employé, mais d'une façon tout à fait rudimentaire, par une station plus ou moins prolongée du malade assis sur le bord des sources ou par l'entretien dans la chambre du malade d'un vase plat contenant un ou deux litres de ces eaux que l'on renouvelait au moins malin et soir. Le docteur Salles-Girons, qui expérimente chaque année, par la pulvérisation, les eaux sulfureuses de Pierre-fonds, sœurs, comme nous l'avons déjà dit, de celles de Berthemont, obtient, par cette méthode, de bons effets dans toutes les affections de la poitrine. La respiration des gaz sulfureux a été mise en pratique par les anciens. Gallien envoyait ses malades auprès des volcans pour respirer les vapeurs sulfureuses. Pilh dit: " L'air qu'on respire à Ax ( Ariège) est un remède pour les malades menacés ou attaqués de phthisie, d'asthme, etc. La propriété des gaz est duo au souffre qu'ils tiennent en suspension. " Si nous jetons un coup d'œil sur les divers comptes-rendus de la plupart des eaux des Pyrénées, de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Italie, telles que celles de Coleret, de Bagnère, de Luchion, d'Amélie-les-Bains. de Barèges, Aix-en-Savoie, Challes, St-Gervais, Enghieu, Aix-la-Chapelle, etc., etc., eaux analogues à celles dont nous faisons l'historique, ne voyons-nous pas qu'elles sont recommandées avec succès dans les affections de poitrine par nos célébrités médicales? La phthisié, même celle qui finit, est susceptible de thérapeutique, et le traitement par les eaux sulfureuses est un de ceux qui méritent la préférence. Telle est la conviction qui résulte de vingt ans d'études, on la pratique a toujours marché à côté de la théorie. Nous disons encore, avec le docteur Salles-Girons: " Eh bien ! est-ce que dans un corps qui vit, qui fait assez bien les fonctions les plus nécessaires au soutien de l'économie et qui va et vient, comme celui des phlhisiques, qui ne manifeste à l'auscultation que le premier ou le second degré des tubercules, est-ce que, dis-je, dans ces conditions on peut dire qu'il n'y a rien à faire? La bonne médecine, la vraie, à notre avis doit être comme le malade, jamais désespérée et toujours ayant quelque chose à faire. La négation n'y doit arriver qu'à l'heure de la mort. Il y a trop d'inconnu dans la vie pour que le médecin puisse être justifié de l'abandon d'un malade. " La thérapeutique n'est pas seulement la science de guérir dans le sens strict du mot ; il faudrait, hélas! en désespérer trop souvent; elle est bien mieux la science de faire vivre, et elle n'en est pas moins belle lorsqu'elle dispute au mal le terrain pied à pied et qu'elle en recule la fatale victoire. Vous me pardonnerez cette digression, Messieurs, en considération du désir que nous avons de faire partager notre opinion sur Ia possibilité de la guérison de la phthisie. Les affections qui pourront aussi être traitées avantageusement par ces eaux, sont les blessures et les plaies chroniques. Le rachitisme, les engorgements glanduleux, sont modifiés et améliorés. Les enfants faibles obtiennent aussi d'heureux résultats, comme nous avons pu le constater. Les bains de ces eaux sulfureuses aident beau- coup les traitements hydrargiques chez les personnes atteintes d'exostoses, de syphilides. Comme le dit Pâtissier, elles peuvent aussi réparer les ravages de ce traitement, prises en boissons et en gargarismes. Elles cicatrisent les ulcères de la bouche et du voile du palais, raffermissent, en rendant a l'estomac et au coeur, l'énergie qu'ils ont perdue; elles dissipent la maigreur et rendent au malade les forces. Comme eaux thermales, elles ont une grande efficacité contre les rhumatismes, la sciatique, le lombago. Les aigreurs rebelles, lorsqu'on a lieu de soupçonner, par les causes qui ont précédé, que ces accidents sont dus à l'atonie du tube digestif, cessent ordinairement par l'emploi de ces eaux ; les pâles couleurs, la débilité générale, les leucorrhées, les engorgements vasculaires de la matrice, la stérilité, le catarrhe chronique de la vessie, peuvent aussi être combattus par leur usage, il faut éloigner de l'emploi de ces eaux, les personnes d'un tempérament sanguin, pléthorique, disposées aux congestions cérébrales, à l'épilepsie, aux anévrismes, ainsi que toutes celles qui sont atteintes de maladies d'un caractère un peu aigu, comme le cancer, le scorbut et la goutte, etc. 

   ART. 6. Mode d'administration. 

   On fait usage de ces eaux en boisson, respiration, douches, injections, bains et lotions. Leur dose en boisson est de deux à quatre verres et même six, suivant la tolérance de l'estomac, en vingt-quatre heures. Ces eaux sont très transportables. ART. 7. Propriétés médicales des eaux ferrugineuses de Berthemont. - C'est surtout dans les maladies qui paraissent résulter d'une diminution dans le sang, de la proportion normale du fer, que ces eaux conviennent. Les excellents résultats de ces eaux, qui ne paraissent guère d'abord devoir être en rapport avec la petite quantité du fer qu'elles contiennent, peuvent être attribués à l'association du fer avec l'acide carbonique. Ces eaux sont facilement tolérées par l'estomac; elles augmentent l'appétit, facilitent la digestion, impriment à l'organisme un caractère de force et de bien-être, qui se traduit à l'extérieur par un teint clair, plus animé, et par un accroissement de gaîté, d'agilité et de force. Ces phénomènes apparaissent surtout chez les jeunes filles au teint pâle, chlorotique, anémique, et, dans tous les cas où il est nécessaire de donner du ton aux organes et de fortifier la constitution en agissant sur le sang même. Elles peuvent être conservées très bien , même après le transport, et utilisées dans les mêmes circonstances. 

   ART. 8. Hygiène du buveur d'eau minérale. 

   A la pointe du jour, dans la belle saison, on va boire les eaux à la source. On les prend par verres de 150 à 200 grammes, dont on augmente le nombre, selon la tolérance de l'estomac. On laisse entre chaque verre un intervalle d'un quart d'heure, d'une demi-heure, que l'on consacre le plus souvent à un exercice modéré. Lorsqu'on boit à la source, il faut avaler tout d'un trait, sans donner le temps à l'eau de perdre son gaz et sa chaleur. Si on envoie chercher l'eau au lieu de la boire à la source, il faut l'enfermer dans un vase qui s'oppose à l'évaporation des principes volatils. On peut aussi boire les eaux dans les bains, dans le lit, ou en se promenant selon qu'elles passent mieux. L'eau passe bien lorsqu'elle ne pèse pas sur l'estomac, n'excite pas d'envies de vomir, ne cause, ni gène, ni douleur de tête, et qu'au bout d'un quart d'heure, d'une demi-heure, on se sent disposé à boire un second verre. Si on ne suit pas cette marche et que l'on fasse comme beaucoup de baigneurs que l'on a vu de tout temps, dans tous les établissements, on compromet plus ou moins le succès de la cure. Pline s'en plaignait " bon nombre de malades dit-il, se font gloire de rester plusieurs heures de suite dans des bains très-chauds, ou de boire l'eau minérale outre mesure, ce qui est également dangereux. " II ne faut jamais commencer par boire une grande quantité d'eau; cette conduite occasionne des pesanteurs d'estomac, des douleurs générales, des gastrites, des fièvres inflammatoires, bilieuses, et des insomnies qu'il faut éviter chez les personnes épuisées, et en général, les femmes qui ont leurs époques doivent suspendre le traitement minéral qui leur est souvent trop excitant dans ce moment. Il ne faut déjeuner qu'une heure ou deux après avoir cessé de boire, lorsque l'on sent l'estomac entièrement libre et le besoin de prendre quelques aliments. On ne doit pas terminer l'emploi des eaux d'une manière brusque; mais, sur la fin, diminuer progressivement la dose et revenir à la quantité par laquelle on a commencé. (PATISSIER). 

   ART. 9. Hygiène du baigneur. 

   II faut s'abstenir du bain lorsque le corps est très fatigué ou en sueur, Pâtissier ajoute; "et ne jamais y entrer que trois ou quatre heures après le repas et autant que l'on ne ressent pas de pesanteur à l'estomac; l'oubli de cette précaution a souvent occasionné des accidents jusqu'à l'apoplexie. Pendant la durée de leurs menstrues, les femmes doivent s'éloigner du bain. Il n'est pas toujours indifférent de se plonger dans un bain ; le poids que l'eau exerce à la surface du corps étant en raison directe de la masse de liquide. // est toujours à propos au malade d'être fixé sur la chaleur que doit avoir son bain devant être relative à sa maladie. C'est ordinairement le matin à jeun que l'on va an bain ; en général, un seul bain suffit. Lorsque les bains très chauds sont indiqués, l'on n'y arrive que graduellement, et lorsqu'on aura atteint la température voulue, les bains chauds seront de courte durée. On peut boire avec avantage les eaux minérales pendant la durée du bain. En général, il faut alors se dispenser de manger; mais si le malade éprouve de la faiblesse, une défaillance, on peut lui donner du bouillon. Quelquefois les vapeurs d'eau minérale occasionnent la syncope, qui cesse dès que le baigneur respire un air frais, ou qu'on lui fait boire un peu de vin pur. La durée du bain chaud est de quinze à vingt minutes; il faut en sortir dès que l'on éprouve des anxiétés, des étourdissements, un peu de vertige. La durée du bain tempéré de 30 à 32 degrés est d'une demie heure à deux heures, et même davantage, selon l'état des forces du malade et des besoins de la maladie. Au sortir de ces bains il faut se garder de l'impression du froid pendant tout le reste de la journée : il est même souvent utile en sortant du bain tempéré de mettre dans un lit chaud le malade, s'il est excessivement débilité. Si l'excitation produite est trop vive, en sortant du bain le malade prend un pédiluve dans l'eau thermale, principalement s'il y a tendance aux congestions cérébrales. Les baigneurs doivent toujours être chaudement velus, et s'abstenir des habits d'été ; la transpiration est essentielle, pendant le traitement, par les eaux thermales. " 

docteur POLLET. NICE, 1865

 


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