Monographie agricole de Roquebillière
établie de mars à juin 1948 par MATHIEU Emile

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Population

   Au dernier recensement, en 1946, Roquebillière comptait :

  Maisons Ménages Individus Français Etrangers
Population éparse 27 35 93 87 6
Population totale 221 367 1019 979 40
+ 1 pensionnat 52 52 0
+ 1 hospice 15 15 0

   Ce chiffre de 1019 habitants est bien inférieur à ce qu’il était avant la catastrophe de 1926 et plus encore avant 1914. Comme dans la plupart des villages de montagne en France, un mouvement démographique vers la ville, s’est amorcé, 1919, qui s’est accentué après 1919. La plupart des jeunes volontés qui ont alors quitté leur village, occupent aujourd’hui des postes dans les douanes, les postes, la police, dans les villes de la côte.

   Le tableau suivant qui par périodes quinquennales va de 1870 à nos jours ( ! ! 1948 ), illustre bien la diminution dans le nombre des habitants.

 

Années Naissances Décès Mariages
1870 - 1875 349 347 76
1875 - 1880 319 277 71
1880 - 1885 298 268 70
1885 - 1890 374 216 59
1890 - 1895 211 208 59
1895 - 1900 210 201 56
1900 - 1905 204 196 51
1905 - 1910 206 141 47
1910 - 1915 165 140 47
1915 - 1920 145 134 46
1920 - 1925 124 123 40
1925 - 1930 176 117 35
1930 - 1935 89 115 33
1935 - 1940 78 115 29
1940 - 1945 60 147 36
1945 - 1948 22 37 9

   Si les natifs ont abandonné leur village dans une aussi grande proportion, c’est parce qu’ils étaient attirés vers la ville par l’appât du gain à un moment où les produits du terroir se vendaient mal et où les commodités et les plaisirs de la vie urbaine opéraient comme un mirage. Avec la période difficile qui a commencé en 1940, on a vu quelques familles venir se réinstaller au pays, mais ce sont quelques cas assez rares.

En réalité, ce qu’il faut procurer au plus tôt au jeune rural pour qu’il reste attaché à la terre

  • C’est une éducation agricole qui, tout en lui facilitant son travail, améliore les rendements.

  • C’est une aide pour la création d’une coopérative de vente directe au consommateur (il existe déjà une coopérative d’approvisionnement paysan et une coopérative laitière) ce qui aurait pour effet de paralyser l’exploitation honteuse du paysan par les acheteurs – revendeurs de légumes et fruits.

  • C’est une spécialisation fruitière et laitière.

  • Ce sont des distractions plus nombreuses et plus saines, (il existe un embryon de terrain de sport. Si la municipalité voulait en assurer l’achèvement, les bonnes volontés ne manqueraient pas pour entraîner les jeunes, en particulier le corps enseignant.

  • Ce sont aussi des communications avec Nice plus faciles, matériellement et financièrement.  

Répartition en 1948

1/ Les petits propriétaires constituent la très grande majorité.

2/ Les artisans – cultivateurs sont nombreux et se subdivisent ainsi :

4 menuisiers possédant des machines à bois
3 forgerons – taillandiers (mécanisés également)
3 entrepreneurs en maçonnerie.
1 entrepreneur en peinture.
2 cordonniers (réparation et confection)
2 mécaniciens (vieux village)
1 électricien
2 limonadiers (eaux gazeuses et bières)
1 meunier
3 plombiers – fumistes
1 tailleur (qui emploie 3 ouvrières)
1 coiffeur (salon moderne – coiffure pour dames)

3/ Les commerçants – cultivateurs se répartissent ainsi :

22 cafés – bars (dont 17 au nouveau village)
9 épiciers (dont 7 au nouveau village)
3 boulangers (qui pétrissent aussi pour les hameaux de la vallée)
2 bouchers (qui abattent des bêtes achetées sur place)
4 merciers – bonnetiers
1 marchand en vins (1/2 grossiste)
6 hôteliers possédant au total une quarantaine de chambres
36 acheteurs – revendeurs de légumes.

4/ Les exploitants forestiers sont au nombre de 4. Ils emploient une vingtaine d’ouvriers.

5/ Les ouvriers manuels sont soit des scieurs de long, soit des manœuvres. On en compte environ 30.

6/ Les fonctionnaires : Ils sont nombreux du fait que Roquebillière est chef-lieu de canton, et parce qu’il occupe une place intéressante dans la vallée.

Les fonctionnaires sont répartis ainsi :
Perception : 1 percepteur + 3 commises
Ponts et Chaussées : 1 ingénieur – 1 chef cantonnier – 1 cantonnier.
P.T.T. : 1 receveur – 1 commise – 2 facteurs.
Eaux et forêts : 1 garde
Douanes : une brigade de 5 hommes.
Enseignement : 9 classes dont 4 pour le cours complémentaire + 1 professeur d’anglais.
Fonctionnaires communaux : 1 secrétaire de marie – 1 garde champêtre – 1 cantonnier pour les chemins agricoles.

    A noter également les présences d’un médecin cantonal, d’une sage-femme et d’un notaire.

7/ Les retraités qui cultivent tous un lopin de terre autant par plaisir, que par raison d’économie, sont environ une vingtaine. Ils viennent des douanes, de la police ou de l’armée.

L’habitat :

   Les maisons sont modernes et coquettes certes, mais elles ne sont pas adaptées aux occupations du paysan. Elles ne sont que la reproduction intégrale d’un appartement urbain. Bien peu, et on les nomme villas, sont entourées d’un petit jardin.
   Pour les sinistrés qui n’ont pas eu les moyens nécessaires pour acquérir une maison, on a construit des bâtisses de 3 étages et de 15 appartements : « les collectives ». Chaque appartement se compose de 3 pièces d’une exiguïté ridicules. Ces maisons collectives sont au nombre de 7.
   Au vieux village, à quelques exceptions près, l’habitat ne consiste plus qu’en vieilles masures qui, n’étant plus entretenues prennent un aspect ruiniforme, qui va s’accentuant avec les ans.
   Pendant l’été, il est des familles qui pour travailler leurs campagnes éloignées, s’en vont vivre sur place, dans des granges sommairement aménagées.

Genre de vie :

   Vie assez monotone. Après son retour des champs, le paysan se rend un peu instinctivement au ‘bistrot’. Soit en jouant aux cartes, soit en discutant dans le dialecte local, il boit sa bouteille de vin. Fait curieux, bien souvent on se prive de vin à la maison. Les discussions sur la place de la mairie sont en honneur et l’on s’y rassemble par paquets de 10. Les boules ont également leurs adeptes, surtout chez les jeunes. On se réunit peu en famille (quelques fois ne hiver). Dans tout le village, on compte une trentaine de poste T.S.F. Il existe peu de fêtes et coutumes. Quelques saints sont cependant fêtés dignement : St Louis et surtout St Julien au début septembre, est le festin le plus renommé dans la Vésubie. Il dure 5 jours. L’amour du bal est maladif dans ce village et il ne se passe pas un dimanche qu’il n’y ait ‘grand bal’.

   Depuis deux ou trois ans, un cinéma ambulant donne hebdomadairement une représentation. Quelques fois aussi des troupes théâtrales viennent donner la comédie dans la salle des délibérations municipales. 

   Durant l’occupation, on a « monté » une société sportive. Après la libération on a voulu créer un foyer rural. Ces deux tentatives se sont soldées par un échec, parce que la population est trop divisée et que pour des questions de politique mesquine, elle perd de vue l’absolue nécessité de l’union dans la bonne marche de n’importe quel groupement.

   Actuellement, le corps enseignant qui se fait le propagandiste du sport, a réuni beaucoup de jeunes et il est en passe de créer une nouvelle société sportive. Puisse-t-il réussir ?

 

Industrie :

Mot bien pompeux pour ce village. Elle consiste en :

2 grandes scieries qui débitent des planches vers Nice.
2 moulins à huiles (propriétés privées).

1 moulin à farine (propriété de la commune)

            L’exploitation de la forêt est active depuis quelques années, car elle est presque l’unique source de revenus communaux.

L’hôtellerie est quasi inexistante au nouveau village et c’est pourquoi Roquebillière ne peut rivaliser avec les stations en vogue de St Martin et la Bollène Vésubie.

Il faut mettre tout en œuvre pour créer un centre touristique :

  • Remettre en exploitation les sources thermales de Berthemont

  • Reprendre le vieux projet du téléphérique vers les plateaux du Férisson (belles pistes pour le ski)

 

Communications :

    Pendant longtemps, les communications avec Nice se firent par tramway jusqu’à la gare de la Vésubie (Plan du Var) et avec le train jusqu’au terminus.

   Aujourd’hui, une société privée de transports (la Star) assure 2 services journaliers (aller-retour).

Commerce :

   Les paysans vendent peu parce qu’ils produisent peu : des fruits, des légumes, du lait, des bois. Pendant ces dernières années, les colis familiaux ont été d’une aide précieuse au ravitaillement des parentés vivant à la ville. Les achats de tout ce qui constitue l’absolument indispensable, se font surtout lors des grandes foires : 25 novembre, 10 janvier, 1er avril, 25 mai et 10 octobre.

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